Enquête sur les pratiques de réunions du Conseil de gestion du Secteur d’aménagement commercial du Grand Napanee
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
janvier 2021
Plaintes
1 Mon Bureau a reçu plusieurs plaintes concernant les pratiques de réunions du Conseil de gestion du Secteur d’aménagement commercial du Grand Napanee (SAC du Grand Napanee) qui est un conseil local de la Ville du Grand Napanee. Plus précisément, les plaignants ont allégué que le conseil avait pris une décision concernant la perception d’une redevance sans tenir de réunion du Conseil en bonne et due forme. Ils ont aussi allégué que, le 24 juin 2020, les membres du conseil s’étaient réunis en privé dans les locaux d’une entreprise locale, contrairement aux dispositions de la Loi sur les municipalités en matière de réunions publiques.
Le SAC du Grand Napanee
2 La Ville du Grand Napanee est une municipalité de palier inférieur, située dans le Comté de Lennox et Addington.
3 Le Conseil municipal de la Ville du Grand Napanee a désigné un secteur d’aménagement commercial au sein de sa communauté, connu sous le nom de SAC du Grand Napanee. Les limites du SAC ont été établies par un règlement adopté par le Conseil municipal. Les propriétés commerciales qui se trouvent dans les limites géographiques du SAC du Grand Napanee sont tenues de payer une redevance, incluse aux factures d’impôts des propriétés commerciales.
4 Conformément à la Loi sur les municipalités, le Conseil municipal a également établi un conseil de gestion du SAC. Selon la constitution et les procédures du SAC, le conseil de gestion (le « conseil ») est composé d’un président, d’un vice-président, d’un secrétaire, d’un trésorier et de deux à quatre membres externes. En outre, un membre du Conseil municipal doit être nommé au conseil de gestion, et le président précédent est également membre. Tous les membres du conseil de gestion sont nommés par le Conseil municipal de la Ville du Grand Napanee, mais le conseil de gestion tient des élections parmi ses membres afin de déterminer qui proposer au Conseil municipal, pour examen.
Compétence de l’Ombudsman
5 En vertu de Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la Loi), toutes les réunions du conseil municipal, d’un conseil local et des comités de l’un ou de l’autre doivent se tenir en public, à moins de relever des exceptions prescrites.
6 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde aux citoyens le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté la Loi en se réunissant à huis clos. Les municipalités et les conseils locaux peuvent nommer leur propre enquêteur. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités et les conseils locaux qui n’ont pas désigné le leur.
7 Le paragraphe 204 (2.1) de la Loi sur les municipalités précise que le conseil de gestion d’un secteur d’aménagement commercial est un conseil local de la municipalité, à toutes fins utiles. Par conséquent, le conseil de gestion du SAC du Grand Napanee est un « conseil local » et ses réunions sont assujetties aux dispositions de la Loi en matière de réunions publiques.
8 L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos pour le SAC du Grand Napanee.
9 Quand nous enquêtons sur des plaintes au sujet de réunions à huis clos, nous déterminons si les exigences des réunions publiques énoncées dans la Loi et dans les procédures de gouvernance de la municipalité ou du conseil local ont été respectées.
10 Pour aider les conseils municipaux, les membres des conseils locaux, le personnel municipal et les citoyens, nous avons créé un recueil en ligne des décisions de l’Ombudsman sur les réunions publiques, qui comprend des sommaires de cas de réunions publiques examinées par lui. Nous avons conçu ce recueil interrogeable en ligne pour permettre aux intéressés de consulter facilement les décisions antérieures de l’Ombudsman et ses interprétations des règles des réunions publiques. Les conseillers, les membres des conseils locaux et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si une question devrait ou pourrait être discutée à huis clos, ainsi qu’au sujet des questions de procédure des réunions publiques. Des sommaires de nombreuses décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : https://www.ombudsman.on.ca/digest/recueil-de-cas-reunions-municipales-accueil.
Processus d’enquête
11 En août 2020, nous avons avisé le conseil de gestion que nous avions l’intention d’enquêter sur ces plaintes.
12 Notre personnel a examiné les ordres du jour et les procès-verbaux pertinents des réunions du conseil de gestion, de mars à juin 2020, ainsi que le document de constitution et les procédures du conseil de gestion. En outre, nous avons examiné divers courriels échangés entre les membres du conseil de gestion et la municipalité au sujet de la perception de la redevance au SAC. Nous avons également examiné des captures d’écran d’une plate-forme en ligne que le conseil de gestion utilise pour ses communications entre ses membres et avec les entreprises locales.
13 Nous avons interviewé tous les administrateurs du SAC qui siégeaient au conseil de gestion de mars 2020 à juin 2020. Nous avons également interviewé les personnes présentes à la rencontre du 24 juin qui n’étaient pas des administrateurs du SAC. Nous avons parlé avec l’actuel gestionnaire des Opérations du SAC, qui a commencé à travailler pour le SAC après les événements visés par l’enquête. Nous nous sommes aussi entretenus avec la greffière, le trésorier et le directeur général des Services communautaires et corporatifs de la Ville du Grand Napanee.
14 Mon Bureau a obtenu une pleine collaboration dans cette affaire.
Redevance au SAC
Contexte de la perception de la redevance
15 Comme le prévoit la Loi sur les municipalités, les municipalités peuvent créer des secteurs d’aménagement commercial avec des limites déterminées afin d’organiser, financer et réaliser des améliorations physiques pour promouvoir l’essor économique de leurs districts. Les entreprises situées à l’intérieur des limites déterminées d’un SAC sont tenues de devenir membres du SAC et de payer une redevance au SAC, en même temps que leurs impôts fonciers.
16 Le guide du Ministère[2] à cet égard explique que chaque année les SAC doivent préparer une proposition de budget annuel indiquant leurs priorités et leurs besoins, tels que déterminés par le conseil de gestion et les membres. Le conseil de gestion se réunit pour discuter du budget proposé et pour déterminer les priorités, puis soumet le budget à l’approbation du Conseil municipal. En général, le budget est financé principalement par les redevances au SAC, et les dépenses prévues au budget ont souvent des répercussions sur les impôts des entreprises locales. Bien que la municipalité soit chargée, en dernier ressort, de déterminer les redevances au SAC, elle le fait généralement en consultation étroite avec le SAC. Une fois qu’une redevance au SAC a été déterminée, et que les fonds sont recueillis par le biais de factures d’impôts fonciers, la municipalité verse les fonds au conseil de gestion.
17 Nous avons été informés que, pour le SAC du Grand Napanee, ce processus budgétaire commence généralement en novembre ou décembre, l’objectif étant de parvenir à un budget final en janvier ou février. Ainsi, la municipalité a le temps d’approuver le budget et de déterminer la redevance pour l’année fiscale suivante. Nous avons été informés que, dans la Ville du Grand Napanee, les impôts fonciers sont facturés en deux factures d’impôts, chacune ayant deux dates d’échéance de versements. Seule la seconde facture, qui est émise à la fin de mai et qui est payable en juin et septembre, comprend la redevance au SAC.
Impact de la COVID-19 sur le SAC et la redevance
18 Nous avons été informés que le SAC avait suivi son processus budgétaire habituel pour l’année fiscale 2020. Cependant, après l’approbation du budget par la ville et la détermination du montant de la redevance pour chaque entreprise, deux événements majeurs ont eu un impact sur les activités du SAC. Le premier est celui des restrictions imposées en raison de la pandémie de COVID-19, qui a entraîné la fermeture de la grande majorité des entreprises dans les limites du SAC à partir de mars 2020. Le second, sans lien avec la pandémie, a été le départ du seul membre du personnel du SAC, qui a démissionné peu avant la fermeture obligatoire des entreprises.
19 En raison de ces circonstances, le conseil de gestion du SAC s’est réuni d’urgence le 25 mars 2020 pour déterminer quoi faire. Cette réunion s’est déroulée environ 10 jours après que la province a déclaré l’état d’urgence et ordonné la fermeture de toutes les entreprises non essentielles. Selon le procès-verbal de la réunion, le président en fonction à l’époque a communiqué au conseil de gestion des renseignements sur de récentes discussions avec la ville quant à la façon dont le SAC pourrait réagir à cette fermeture soudaine. Il a notamment été proposé que le SAC suspende temporairement ses activités et fasse une « pause » pendant la crise de la COVID-19. Le président a indiqué que la municipalité envisageait d’accorder un répit ou un report pour les impôts fonciers et la redevance au SAC, afin d’aider les entreprises en difficulté. Le président a déclaré que toute action de ce type éliminerait le flux de trésorerie du SAC et sa capacité à payer le loyer, les salaires et les dépenses d’embellissement.
20 Selon le procès-verbal, les membres du SAC ont discuté de ces renseignements et ont finalement décidé « d’approuver la suspension immédiate pour “pause” des activités du SAC jusqu’à nouvel ordre et/ou jusqu’à la levée des restrictions et des réglementations d’urgence, et de publier un communiqué de presse officiel ». La réunion s’est terminée sur cette résolution.
21 Après un certain laps de temps, le SAC a envoyé un courriel à tous ses membres le 10 avril, leur annonçant cette pause. Le courriel indiquait notamment ceci :
Comme beaucoup le savent actuellement, la Ville du Grand Napanee instaurera un certain nombre d’avantages financiers et de mécanismes de soutien pour les propriétaires d’entreprises, les propriétaires fonciers et les résidents du Grand Napanee. L’une des initiatives consiste à accorder un report de l’impôt foncier et de la redevance, qui reste la partie la plus importante du budget du SAC.
Compte tenu de ce plan municipal qui vise à atténuer les répercussions économiques de cette pandémie, et avec effet immédiat, le conseil de gestion du SAC a accepté de suspendre temporairement toutes les activités du SAC, ses événements et ses réunions de comités jusqu’au 1er juillet 2020, date à laquelle le SAC réexaminera sa prochaine ligne de conduite…
Pendant cette pause temporaire, le SAC sera représenté par le président du conseil de gestion du SAC, [nom omis]. [Le président] sera appuyé par une équipe spéciale de membres du conseil de gestion travaillant en partenariat étroit avec la Ville du Grand Napanee. Veuillez continuer de transmettre vos demandes au SAC par vos moyens habituels de communication.
22 Les documents que nous avons examinés indiquaient que la prochaine réunion du SAC aurait lieu le 1er mai 2020. Selon le procès-verbal, il n’y a pas eu de discussion particulière sur le report de la redevance au SAC. Des mises à jour générales ont été communiquées à propos des initiatives visant à appuyer les entreprises et les activités locales durant la pause temporaire du conseil de gestion.
23 D’après les courriels que nous avons examinés, le 8 mai 2020, le directeur général des Services communautaires et corporatifs de la municipalité a contacté le président pour vérifier les plans concernant la redevance au SAC. Le courriel indiquait que le service des finances de la municipalité parachevait la deuxième facture d’impôts et que la municipalité voulait obtenir la décision du conseil de gestion du SAC sur la perception de cette redevance. Comme indiqué précédemment, la seconde facture d’impôts est le seul relevé d’impôts de chaque année qui inclut un montant pour la redevance. Le courriel traitait aussi de renseignements financiers sommaires concernant les activités du SAC.
24 Le 11 mai, le président de l’époque a répondu au personnel municipal par ce qu’il a appelé une « déclaration officielle », disant ceci :
À la Ville du Grand Napanee,
Après mûre réflexion, le conseil de gestion du SAC estime qu’il est dans l’intérêt des entreprises du centre-ville et de nos membres d’entamer le processus mesuré de retour à des activités accrues, en rétablissant la redevance sur les relevés d’impôts officiels émis par la ville. Le SAC s’est réjoui de l’esprit de coopération et de soutien entre lui et la Ville du Grand Napanee, offrant un soutien direct à notre communauté d’affaires alors qu’elle traverse ces conditions difficiles. Nous espérons la poursuite de cette coopération et nous restons désireux de promouvoir, appuyer et garder nos entreprises du centre-ville au sein d’une communauté forte et dynamique.
Cordialement,
Le conseil de gestion du SAC
25 Nous n’avons reçu aucune preuve qu’une réunion du conseil de gestion du SAC avait eu lieu entre la réunion de ce conseil le 1er mai et le courriel du 11 mai du président de l’époque. Interrogé à ce sujet, le président a déclaré à notre Bureau que son courriel à la municipalité portait sur une résolution adoptée par le conseil de gestion du SAC. Toutefois, le président n’a pas été en mesure d’indiquer une date de cette réunion, ni de fournir de document à l’appui. Personne d’autre à qui nous avons parlé ne s’est souvenu d’une réunion correspondant à cette description.
26 En réponse au courriel du président de l’époque, la municipalité a fait savoir que la redevance serait portée à la facture finale des impôts, prévue pour la fin mai, et payable en juin et septembre. Le courriel indiquait que le personnel recommanderait au Conseil municipal de ne pas exiger le paiement des pénalités de retard, afin de venir en aide aux propriétaires d’entreprises. Nous avons été informés que la redevance a été finalement incluse à la deuxième facture d’impôts fonciers, étant payable selon l’échéancier habituel de la municipalité. Ceci était conforme au processus des années précédentes.
27 Le procès-verbal de la réunion suivante du SAC le 22 mai 2020 indiquait que le conseil de gestion n’avait pas examiné la possibilité de rétablir la redevance ou non. Toutefois, certaines parties de sa discussion montraient que la redevance serait incluse à la prochaine facture d’impôts et que le SAC disposerait de liquidités pour diverses dépenses.
Compréhension générale de la décision du conseil de gestion sur la redevance
28 Notre Bureau a parlé à chacun des membres du conseil de gestion du SAC alors en fonction, ainsi qu’à divers membres du personnel municipal, afin de déterminer ce que chaque personne pensait que le conseil de gestion du SAC avait décidé au sujet de la redevance. Nous avons aussi parlé avec certains membres de la communauté locale des affaires, qui ne font pas partie du conseil de gestion.
29 Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont fait des comptes rendus contradictoires des décisions prises par le conseil de gestion au sujet de la redevance. Le président de l’époque nous a dit que la redevance avait « été suspendue » de mars à juin, sans obligation de remboursement, puis rétablie. Le sens de ces mots ne semble pas clair, étant donné que la redevance n’est généralement payable qu’à la fin juin et en septembre. Un des membres du conseil de gestion s’est souvenu que le conseil avait discuté du report de la redevance, mais avait décidé de ne pas le faire. Un autre a déclaré qu’il appartenait à la municipalité de décider de percevoir cette redevance, et non au conseil de gestion du SAC, et ce membre ne s’est souvenu d’aucune réunion durant laquelle le SAC aurait discuté de la question. Plusieurs membres du conseil de gestion ont estimé que la redevance avait été reportée, mais non annulée. De nombreux membres du conseil de gestion ne connaissaient pas les détails du processus d’inscription de la redevance aux factures d’impôts, car ils étaient locataires plutôt que propriétaires des locaux commerciaux de leur entreprise. Presque tout le monde a reconnu avoir un sentiment de confusion au sujet de la redevance.
30 Une propriétaire d’entreprise locale nous a déclaré qu’après avoir assisté virtuellement à la réunion du conseil de gestion le 25 mars, elle avait compris que la redevance pour 2020 était reportée. D’autres propriétaires d’entreprises avec lesquels nous avons parlé pensaient que la redevance avait été annulée et ils avaient été surpris de constater que cette redevance était inscrite sur leur seconde facture d’impôts.
31 La municipalité a déclaré à notre Bureau qu’elle avait parlé au SAC en mars 2020 au sujet de diverses mesures pour aider le milieu des affaires à faire face à la COVID-19, notamment d’un éventuel report de la redevance. La municipalité a dit que le SAC avait décidé en fin de compte de n’accepter aucune de ces offres, ni de reporter la redevance. Du point de vue de la municipalité, la redevance n’avait jamais été annulée ou reportée, et elle avait tout simplement été portée aux factures d’impôts conformément au processus habituel de la municipalité.
Analyse
32 Mon Bureau a reçu une plainte alléguant que le conseil de gestion du SAC avait pris une décision concernant la perception d’une redevance, sans avoir tenu de réunion en bonne et due forme du conseil de gestion. Nous avons aussi reçu une allégation spécifique selon laquelle le président de l’époque aurait décidé unilatéralement, sans l’approbation du conseil de gestion du SAC, de rétablir la redevance.
33 Mon Bureau a conclu que la définition de « réunion » donnée dans le paragraphe 238 (1) de la Loi sur les municipalités stipule qu’un quorum des conseillers ou des membres du conseil de gestion doit être physiquement atteint[3], et qu’il discute d’une question de manière à faire avancer « de façon importante » ou « significative » les travaux ou la prise de décisions du conseil ou du conseil local[4]. Des modifications ultérieures à la Loi sur les municipalités permettent d’inclure les participants par voie électronique au calcul du quorum quand le règlement de procédure d’une municipalité ou d’un conseil local le prévoit[5].
34 Selon les meilleures preuves dont dispose mon Bureau, le conseil de gestion du SAC a adopté une résolution le 25 mars pour suspendre les activités du SAC et faire une « pause » jusqu’à nouvel ordre. La résolution ne portait pas directement sur la question de la redevance et aucune autre résolution du conseil de gestion n’a abordé la question de quelque façon que ce soit. Par conséquent, rien ne prouve que le conseil de gestion du SAC ait officiellement reporté ou annulé la redevance, et il n’était donc pas nécessaire que le conseil adopte une résolution pour la « rétablir ». Cette preuve documentaire correspond à l’interprétation faite par le personnel municipal selon laquelle la redevance n’avait été ni suspendue ni reportée, et que seule la municipalité a le pouvoir légal d’imposer, de reporter ou de suspendre cette redevance.
35 Mon Bureau n’a trouvé aucune preuve que le conseil de gestion du SAC s’était réuni en secret au sujet de la perception de cette redevance. Aucune des personnes à qui nous avons parlé ne s’est souvenue d’une discussion sur les activités du SAC entre un quorum des membres du conseil de gestion en dehors des réunions officielles du SAC. De plus, mon Bureau n’a trouvé aucune preuve que le président de l’époque avait agi unilatéralement en rétablissant la redevance, car cette redevance n’avait jamais été officiellement reportée.
36 Cependant, malgré l’énoncé clair de la résolution adoptée le 25 mars par le conseil du SAC, des preuves concrètes montrent que de nombreuses personnes pensaient que la redevance au SAC avait été reportée. Le courriel du président de l’époque aux membres du SAC le 11 avril et sa correspondance ultérieure avec le personnel municipal prêtent à penser qu’il croyait que la redevance avait été annulée ou reportée pour un certain temps. Dans son entrevue avec notre Bureau, il a réitéré ce point, ainsi que sa conviction que les membres du conseil de gestion avaient changé d’avis et avaient adopté une résolution ultérieure à cet effet. Nous n’avons trouvé aucune preuve en ce sens.
37 Cette erreur de compréhension a peut-être été renforcée par le fait que la municipalité a pour habitude d’inclure uniquement la redevance à la deuxième facture d’impôts, ce qu’ignoraient la plupart des personnes à qui nous avons parlé. De plus, ces communications ont eu lieu au plus fort de la première vague de la COVI-19, quand toutes les entreprises non essentielles étaient fermées, et alors que les Ontariens devaient faire face à une réalité profondément différente. Il est compréhensible que le président de l’époque, qui était le propriétaire d’une petite entreprise et travaillait bénévolement au SAC local sans aucun personnel de soutien, ait pu mal se souvenir de la situation dans ces circonstances. Nous avons été informés que le conseil de gestion avait ensuite invité la municipalité à une réunion pour donner des renseignements sur la redevance et son échéancier de paiement, ainsi que pour répondre aux questions des propriétaires d’entreprises locales.
38 Des communications plus claires avec la communauté locale des affaires du SAC, ainsi qu’une plus grande responsabilisation et une plus grande transparence dans les pratiques de réunions du conseil de gestion, pourraient contribuer à garantir que des malentendus similaires ne se reproduisent plus à l’avenir. Ces pratiques seront examinées dans une partie ultérieure de ce rapport.
Allégation de réunion informelle le 24 juin
39 Mon Bureau a aussi reçu des plaintes alléguant que, le 24 juin 2020, un quorum des membres du conseil de gestion s’était réuni en privé dans les locaux d’une entreprise locale, ce qui est contraire aux exigences de la Loi sur les municipalités en matière de réunions publiques. Les plaignants ont fourni une liste des participants à cette rencontre, qui comprenait à la fois les membres du conseil de gestion du SAC et d’autres personnes de la communauté locale. Les plaignants ont indiqué que, bien qu’ils n’aient pas assisté à la rencontre, des personnes présentes à cette rencontre les avaient informés des sujets de conversation. Les plaignants ont déclaré que la rencontre avait inclus des discussions sur de futures mesures du conseil de gestion, et sur les personnes qui continueraient de siéger à ce conseil.
40 Notre Bureau a parlé avec chacun des présumés participants et a confirmé qu’une rencontre avait eu lieu dans la soirée du 24 juin 2020, dans les locaux d’une entreprise locale appartenant à un membre du conseil de gestion du SAC. D’après nos entrevues, sept personnes étaient présentes à cette rencontre, dont une personne qui n’était pas membre du conseil de gestion du SAC, et une autre qui avait récemment démissionné. Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus ont déclaré que les cinq membres du SAC présents à la rencontre constituaient l’ensemble du conseil de gestion du SAC, le 24 juin, en raison d’un certain nombre de démissions qui s’étaient produites de février à juin 2020.
41 La plupart des personnes que nous avons interviewées ne se sont pas souvenues de la manière dont elles avaient été invitées à la rencontre, et elles ont laissé entendre que c’était probablement par courriel ou par SMS. Beaucoup ont souligné que le Grand Napanee est une petite communauté, où les entrepreneurs locaux se connaissent tous et communiquent fréquemment entre eux. La personne propriétaire de l’entreprise où la rencontre a eu lieu nous a dit que l’idée de se rencontrer était née tout naturellement d’une discussion en personne dans la rue principale du centre-ville, peu après l’autorisation de rouvrir les entreprises.
42 Toutefois, nous avons reçu des captures d’écran d’un logiciel de messagerie interne utilisé par le conseil de gestion du SAC pour communiquer entre les entreprises membres et les membres du conseil de gestion, indiquant que la rencontre avait été au moins partiellement organisée grâce à ce logiciel. Selon ces captures d’écran, le 23 juin 2020, un membre du conseil de gestion du SAC a proposé d’organiser une réunion « ouverte » du conseil, pour le lendemain. Les preuves qui nous ont été fournies indiquent que cinq membres du conseil de gestion et un ancien membre de ce conseil avaient participé à une discussion pour déterminer le lieu et le moment de cette rencontre. Dans les messages, une réunion virtuelle sur Zoom est tout d’abord prévue mais une membre du conseil de gestion propose ensuite de se rencontrer dans son établissement, en respectant la distanciation sociale. Les messages affichés font référence à diverses conversations hors ligne/en personne sur la rencontre proposée. Lors de nos entrevues, beaucoup de personnes ont déclaré qu’elles trouvaient que le logiciel de messagerie du SAC prêtait à confusion et qu’il était difficile à utiliser.
43 À la fin du fil de messages, une personne soulève des préoccupations au sujet de la rencontre proposée, soulignant que le conseil de gestion du SAC doit communiquer un avis de ses réunions, créer un ordre du jour et consigner un procès-verbal. Cette personne a proposé de reporter la rencontre jusqu’à ce que ces mesures puissent être prises. Une autre personne a répondu ceci :
Il ne s’agit pas d’une réunion officielle [nom omis]. Il s’agit d’une rencontre informelle. Tout le monde a confirmé se sentir à l’aise pour y assister. Il y aura quelques boissons et des conversations légères… C’est pourquoi nous ne nous rencontrons pas dans la salle de conférence du SAC.
44 Toutes les personnes avec lesquelles nous avons parlé ont indiqué que le lieu de la rencontre était autorisé à servir de l’alcool, et que l’objectif de la rencontre était de se détendre, d’être entre amis et de faire le point ensemble.
45 Quand nous leur avons demandé d’évoquer les sujets discutés lors de la rencontre, tous les participants se sont souvenus que la COVID-19 et la réouverture de la province étaient le principal sujet de conversation. Comme toutes les personnes présentes étaient propriétaires de petites entreprises, il y a eu des discussions sur les nouvelles exigences de sécurité et de distanciation pour les entreprises, le programme gouvernemental d’aide aux loyers pour les petites entreprises, et des questions connexes à la COVID-19. Nous avons aussi appris que les membres du groupe avaient bavardé de ce qui était survenu dans leur vie personnelle durant les derniers mois.
46 Les personnes que nous avons interviewées ont dit que la discussion avait duré un peu plus d’une heure. Toutes les personnes avaient lesquelles nous nous sommes entretenus ont dit déclaré n’y avait pas eu de discussion des travaux du conseil de gestion du SAC, et que la rencontre avait simplement eu un caractère social, permettant aux membres du conseil de gestion du SAC et à d’autres de se retrouver.
Analyse
47 Comme nous l’avons expliqué précédemment, la définition de « réunion » donnée au paragraphe 238 (1) de la Loi sur les municipalités stipule qu’un quorum des conseillers ou des membres du conseil doit être physiquement atteint[6] et discute de manière à faire avancer « de façon importante » ou « significative » les travaux ou la prise de décisions du conseil ou du conseil local[7].
48 Mon enquête montre que tous les membres actifs du conseil de gestion du SAC (5/5) étaient présents lors de la rencontre le soir du 24 juin. Malgré l’affirmation faite par les plaignants qui ont contacté mon Bureau, l’enquête n’a trouvé aucune preuve directe pouvant montrer que les personnes présentes avaient discuté des travaux du SAC. Nous avons systématiquement été informés que la rencontre avait porté sur des questions à caractère social et des discussions sur la façon dont chaque propriétaire d’entreprise faisait face à la COVID-19. Par conséquent, cette rencontre n’a pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décisions du SAC et n’était pas une « réunion » contraire aux exigences de la Loi sur les municipalités en matière de réunions publiques.
Pratiques générales de réunions
49 Au cours de mon enquête, j’ai également constaté divers problèmes de responsabilisation et de transparence dans les pratiques de réunions du conseil de gestion du SAC, qui ont pu contribuer aux plaintes déposées auprès de mon Bureau.
Avis
50 Nous avons été informés que le SAC du Grand Napanee communique des avis des réunions du conseil de gestion grâce à une liste de distribution par courrier électronique, qui comprend toutes les entreprises locales membres du SAC. L’avis de réunion n’est pas affiché sur le site Web du SAC, ni sur celui de la municipalité, ni sur tout autre support public, et il n’est pas évident de savoir comment un membre du public qui n’est pas propriétaire d’une entreprise locale pourrait être informé de l’heure et du lieu d’une réunion du conseil de gestion du SAC.
51 Le paragraphe 238 (2.1) de la Loi sur les municipalités stipule que chaque municipalité et chaque conseil local doit adopter un règlement de procédure qui « prévoit un avis public des réunions ». L’avis public des réunions est essentiel pour garantir leur transparence, car le public doit savoir qu’une réunion est prévue afin d’exercer son droit d’y assister et de voir le déroulement du processus décisionnel.
52 La constitution et les procédures du SAC ne prévoient la communication d’un avis de convocation que pour les « réunions générales » qui ont habituellement lieu chaque année, mais pas pour les « réunions générales extraordinaires » ni pour les réunions habituelles du conseil de gestion. À l’avenir, le SAC du Grand Napanee devrait veiller à informer le public de chacune des réunions de son conseil de gestion, comme l’exige la Loi sur les municipalités.
Réunions virtuelles
53 Compte tenu des restrictions de rassemblement imposées en raison de la pandémie de COVID-19, la Législature a modifié la Loi sur les municipalités pour permettre aux municipalités et aux conseils locaux de tenir des réunions virtuelles. Plus précisément, la Loi a été modifiée de sorte à pouvoir inclure au calcul du quorum les participants présents lors de réunions électroniques, quand le règlement de procédure d’une municipalité ou d’un conseil local le prévoit[8]. Notre enquête n’a trouvé aucune preuve permettant de conclure que le SAC avait modifié son règlement pour que les participants par voie électronique puissent être inclus dans le calcul du quorum. Si le conseil souhaite continuer à tenir des réunions électroniques, il devrait prendre cette mesure pour s’assurer que ses réunions sont conformes à l’exigence de la Loi sur les municipalités en matière de quorum.
Procès-verbaux des réunions
54 Durant cette enquête, le personnel de l’Ombudsman a eu des difficultés à obtenir des copies des ordres du jour et des procès-verbaux des réunions tenues par le conseil de gestion du SAC entre mars et juin 2020. Le nouvel employé du SAC n’a eu accès qu’à certains de ces documents, tandis que d’autres documents n’ont pu être obtenus qu’auprès de membres particuliers du conseil de gestion du SAC. Nous avons été informés que le SAC envoyait traditionnellement des copies de ses procès-verbaux à la greffière municipale pour qu’ils soient inclus aux ordres du jour de futures réunions du Conseil municipal, mais que cette pratique avait cessé après le départ de l’employé du SAC. La greffière municipale n’a pas été en mesure de fournir à mon Bureau le moindre document pertinent sur les réunions du SAC de mars à juin 2020. Le conseil de gestion avait aussi pour habitude de communiquer les procès-verbaux de ses réunions à ses membres par courrier électronique, mais notre examen a montré que ceci avait pris fin après le départ de l’employé.
55 Le paragraphe 239 (7) de la Loi sur les municipalités exige que toutes les résolutions, les décisions et les autres procédures d’une réunion soient consignées, sans commentaires. Les procès-verbaux des réunions sont l’un des meilleurs moyens pour le public de comprendre les décisions d’un conseil municipal ou d’un conseil local. Si le public avait pu consulter les procès-verbaux des réunions du conseil à compter du 25 mars 2020, il y aurait peut-être eu moins de confusion quant à la décision prise par le conseil au sujet de la redevance. À titre de pratique exemplaire, le conseil de gestion du SAC devrait veiller à ce que tous les procès-verbaux de ses réunions puissent être consultés par le personnel et les membres du conseil de gestion du SAC, ainsi que par le public et mon Bureau, à des fins d’examen.
Opinion
56 À partir des preuves disponibles, mon Bureau a déterminé que le conseil de gestion du Secteur d’aménagement commercial du Grand Napanee ne s’est pas réuni en privé, contrairement aux exigences de la Loi sur les municipalités en matière de réunions publiques, au sujet de la perception d’une redevance. En outre, je n’ai pas trouvé de preuve permettant d’affirmer que le président de l’époque avait agi unilatéralement et contrairement à la Loi en rétablissant la redevance, étant donné que celle-ci n’avait jamais été officiellement reportée.
57 De plus, le conseil de gestion du Secteur d’aménagement commercial du Grand Napanee n’a pas enfreint les exigences de la Loi sur les municipalités en matière de réunions publiques le 24 juin 2020, lorsqu’il s’est rencontré officieusement de manière amicale dans les locaux d’une entreprise locale. Il ne s’agissait pas d’une « réunion » du conseil de gestion car les membres du conseil n’ont pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décisions du SAC.
58 Pour améliorer la responsabilisation et la transparence de ses pratiques de réunions, j’encourage le SAC du Grand Napanee à revoir ses pratiques et procédures en matière de réunions, y compris celles relatives aux avis publics, aux procès-verbaux et aux réunions virtuelles, afin qu’elles reflètent les pratiques exemplaires et les exigences de la Loi sur les municipalités.
Rapport
59 Le personnel de l’Ombudsman a examiné une version préliminaire de ce rapport avec le vice-président et gestionnaire des opérations du Secteur d’aménagement commercial du Grand Napanee, lui donnant l’occasion de la commenter. Nous avons tenu compte de tous les commentaires reçus pour préparer ce rapport.
60 Le vice-président a indiqué que mon rapport serait communiqué au conseil de gestion et mis à la disposition du public au plus tard lors de la prochaine réunion du Conseil municipal.
______________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletGuide sur les secteurs d’aménagement commercial, en ligne.
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 9 et le 23 février 2019, (octobre 2019), en ligne.
[4] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances d’information le 7 mars 2018 avec un quorum des conseillers du Village de Casselman, (août 2018), en ligne.
[5] Loi sur les municipalités, article 238 (3.1-3.4)
[6] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions à huis clos tenues par la Ville de Hamilton le 9 et le 23 février 2019, (octobre 2019), en ligne.
[7] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos de séances d’information le 7 mars 2018 avec un quorum des conseillers du Village de Casselman, (août 2018), en ligne.
[8] Loi sur les municipalités, article 238 (3.1-3.4)